La protection de l’environnement est un enjeu sociétal majeur depuis de nombreuses années. Mais ceux qui ont le plus grand impact sur l’environnement sont les acteurs économiques.

Les institutions internationales ont donc tenté de légiférer pour donner notamment à ces acteurs des lignes à suivre afin de s’inscrire dans un respect de la nature qui les entoure et en incluant cette protection de l’environnement dans le thème plus large du « développement durable ».

Le développement durable est un « développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs ». Il s’agit d’un développement à 3 piliers : économiquement efficace, socialement équitable et écologiquement soutenable.

L’ONU a lancé la plus vaste initiative en la matière avec son Pacte Mondial des Nations Unies lancé en 1999 instaurant dix principes à respecter par les entreprises sur la base du volontariat. Plus tard, l’organisation adoptera 17 grands objectifs de développement durable à atteindre. Son activité plus régulière en la matière consiste par ailleurs à réunir les pays membres dans de grandes conférences comme les COP qui permettent l’engagement des pays sur ces sujets.

L’UE de son côté base sa politique environnementale sur 4 principes : précaution, prévention, correction des atteintes et principe du “pollueur-payeur” et prévoit de nombreux programmes et plans fixant des objectifs ambitieux en matière d’énergies renouvelables, d’efficacité énergétique et de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Il faut ajouter à cela les multiples normes ISO sur la question du développement durable, dont le but est d’entrainer spécifiquement l’engagement volontaire des entreprises pour les enjeux environnementaux (ex : ISO 26000, ISO 14001…).

 

L’engagement volontaire des entreprises 

Pour mettre en pratique la posture sociétale préconisée par les textes internationaux, les entreprises détiennent deux moyens juridiques à leur disposition.

Le premier est un levier qui permet à l’entreprise d’avoir un impact positif sur la société tout en étant économiquement viable. Cela constitue ce qu’on appelle la « Responsabilité Sociétale de l’entreprise ».

Son cadre normatif est notamment défini par la norme ISO 26000 qui a rappelé l’objectif principal : permettre aux entreprises de s’engager via une politique à part entière pour le développement durable. Les principes de cette politique de « responsabilité » s’insèrent dans les modes de fonctionnement, les décisions et les relations de l’entreprise, et permettent d’intégrer les préoccupations sociales et environnementales à leurs activités économiques et commerciales et leurs relations avec les parties prenantes de la vie de l’entreprise.

Le second levier consiste pour l’entreprise à s’attribuer un véritable statut social : celui « d’entreprise à mission », prévu en France par la loi Pacte de 2020. Il part du principe qu’une entreprise doit être utile pour la société dans son ensemble, avant même ses clients et ses acteurs internes. Elle doit avoir un « intérêt social ».

L’idée est ainsi de définir plusieurs principes sociaux et environnementaux que l’entreprise va inscrire dans ses statuts et dont le respect va être vérifié par un organisme tiers indépendant pour pouvoir bénéficier de ce statut d’entreprise à mission.

 

La justice sociale à l’origine d’un dialogue social environnemental en entreprise

Depuis plusieurs années, l’enjeu de la protection de l’environnement est entré dans nos sociétés comme un composant important de la justice sociale.

En effet, depuis les années 1970, se dégage progressivement la notion sociétale d’un droit à un environnement sain. L’être humain aurait un « droit individuel à évoluer dans un environnement sain ». Sans qu’un texte de loi française ne vienne pour autant le consacrer comme un droit de l’homme, plusieurs institutions ont affirmé des principes s’en rapprochant. En 2004, la Cour Européenne des Droits de l’Homme instaure dans une décision un droit d’être protégé contre les risques résultant d’activités industrielles dangereuses, issu du droit à la vie (article 2 CEDH), et en 2021, le droit international consacre le droit de bénéficier d’un environnement propre, sain et durable (Résolution 48/13 du Conseil des droits de l’homme des Nations unies du 8 octobre 2021).

Cette justice environnementale, partie intégrante de la justice sociale, consisterait donc dans le respect du droit à un environnement sain de chacun et de tous à la fois. En effet, ce droit implicite est valable non seulement pour chacun des citoyens vivant actuellement mais aussi pour ceux qui nous ont précédé et ceux qui suivront. Il est un droit pour chacun d’eux comme pour nous et entraine un devoir collectif de protéger ce qu’on nous a transmis pour le laisser intact aux suivants.

Ce fondement de la justice environnementale est naturellement applicable dans le monde de l’entreprise où les enjeux peuvent être bien plus forts que pour une personne prise individuellement.

En fonction des secteurs d’activité et des entreprises, l’employeur doit travailler et adapter des plans de prévention plus ou moins stricts pour éviter que l’activité de son entreprise ne génère trop d’impacts sur l’environnement. Les leviers de développement durable présentés plus hauts sont un bon moyen pour lui de poser un cadre à cette prévention et à la préservation de cette justice sociale.

Mais plus particulièrement, pour que l’employeur respecte ces principes, le législateur avait entamé la création d’un cadre légal engageant la responsabilité pénale de l’employeur en cas d’atteinte avérée à l‘environnement. Cela s’est traduit par l’accumulation de lois pénales spécifiques mais sans grande efficacité pour créer un cadre général.

Aujourd’hui, face à ce constat, le législateur change de stratégie. Pour inciter les employeurs à adopter de réelles politiques de prévention des atteintes à l’environnement par leur entreprise et ainsi favoriser la justice sociale, il met en place un nouveau levier d’action en faisant de la protection de l’environnement non plus seulement un objet de droit pénal mais aussi un objet de dialogue social.

 

L’attribution de moyens juridiques au dialogue social

La loi du 22 août 2021 porte une modification de plusieurs outils du CSE afin d’y intégrer la thématique de l’impact environnemental de l’entreprise.

Désormais, en plus du droit d’alerte pour atteinte à l’environnement déjà existant, dans toutes les thématiques d’information-consultation obligatoires du CSE, ce dernier devra également être informé et consulté sur les impacts environnementaux de chacune d’elles (articles L2312-8, L2312-17, L2312-22 du code du travail). La base de données économiques et sociales (ancienne BDES) devient la base de données économiques sociales et environnementales (BDESE) (L2312-19 et L2312-21), le champ de compétences de l’expert-comptable désigné par le CSE est étendu jusqu’aux questions environnementales et le CSE dispose de la possibilité de créer une commission environnementale en son sein.

La protection de l’environnement, sujet jusqu’à présent à la marge juridiquement, relève désormais pleinement du droit social et a trouvé sa place dans le code du travail.

L’intégration ainsi faite des membres du CSE à la démarche de transition écologique de l’entreprise vient renforcer la nouvelle relation de l’employeur et des élus : l’employeur ne doit plus seulement rendre compte de l’organisation qu’il a mise en place dans l’entreprise devant le CSE, mais il doit coconstruire avec lui la manière de l’organiser pour limiter les impacts environnementaux de l’activité et respecter les principes sur lesquels il s’est éventuellement engagé.

Cette dimension de co-construction renvoie clairement à l’une des qualités principales attendues d’un représentant du personnel : la co-invention des solutions.

Elle est concrétisée encore d’une autre façon aujourd’hui par les thématiques de négociations touchant à l’environnement qui sont à la disposition des délégués syndicaux et qui leur permettent d’être à l’initiative de nombreuses revendications en faveur d’une véritable démarche de transition écologique de l’entreprise. Pour ne citer qu’un exemple, les accords de qualité de vie au travail ont la possibilité d’intégrer des dispositions sur la mobilité des salariés pour favoriser une mobilité verte par des mesures comme le forfait mobilité (exonéré de charges sociales jusqu’à 400€) versé aux salariés pour l’acquisition d’un moyen de transport dit « propre » (vélo, trottinette…), la mise en place d’installations adaptées aux véhicules électriques, la prise en charge d’abonnements de transports publics au-delà de 50%…

 

A vous, représentants du personnel, de saisir cette opportunité qui vous est aujourd’hui enfin donnée par la loi d’œuvrer pour une justice sociale à travers la justice environnementale, en faisant du dialogue social un véritable levier d’action dans l’entreprise pour la protection de l’environnement.

Gageons que le plein investissement du CSE dans une relation de co-invention des solutions environnementales avec l’employeur permettra de renforcer un dialogue social constructif, non pas tourné uniquement vers le contrôle des acteurs les uns par rapport aux autres, mais vers une dynamique d’actions communes et de participation à la construction de la politique environnementale de l’entreprise.